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à notre ami et collègue Martino Nieddu

> 11 juin 2018, Ardenne.

Martino Nieddu nous a quittés ce 11 juin. Au nom de l’association Recherche & Régulation et de la Revue de la Régulation, auxquelles il a beaucoup contribué, nous lui rendons ici hommage pour qu’il continue d’inspirer à la fois nos questions de recherche et notre façon de faire de la recherche.

Les rédacteurs de ce texte se réunissaient avec lui depuis quatre ans dans un séminaire de recherche informel, à Montpellier, Paris et surtout dans le Vercors, où le travail studieux savait s’allier à l’amitié.
Il n’aurait probablement pas aimé être embaumé, alors ce témoignage se veut aussi un ancrage pour avancer (les « Commentaires » en bas de cette page vous permettent d’ajouter les vôtres).

 

 

 

 

 

 

 

 

Martino était notre collègue, un ami, un chercheur d’or (de sciences sociales et de poésie) en or, une référence, et c’est une peine immense de le perdre.

Très investi dans tout ce qu’il entreprenait, il a notamment labouré de nouveaux espaces de recherche. Pilier du groupe Régulation, Secteur et Territoire dès les années 1990, il y a notamment développé avec Gilles Allaire, Catherine Laurent, Bernard Pecqueur et d’autres, une analyse économique originale de l’activité agricole : la démarche abductive et la focale mésoéconomique ont enrichi la théorie de la régulation, structuré de nombreuses collaborations de recherche – à commencer par ses doctorants dont certain•e•s sont devenus ses collègues tout autant que les nôtres –, et nourri ses recherches ultérieures sur la chimie « verte » et la bioéconomie.

Il avait ainsi bâti une connexion avec l’économie écologique, notamment avec Franck-Dominique Vivien ou Denis Barthélémy, et sa contribution au concept de patrimoine collectif est un autre axe structurant de son analyse, lui permettant ensuite d’articuler ses recherches sectorielles avec celles sur les organisations collectives qui « portent » l’activité économique (les territoires, les entreprises de l’économie sociale et solidaire…) et l’aidant à penser l’ancrage territorial des activités économiques.

Il a conduit tous ces chantiers avec force intuitions, volonté et détermination. Nous ne doutons pas que ses qualités perdureront à travers ses écrits (dont le dossier récemment publié dans la Revue de la Régulation, qu’il a porté avec Gilles Allaire et Pierre Labarthe, retraçant vingt ans de recherches régulationnistes sur l’agriculture et son évolution). Elles se reflèteront aussi à l’avenir dans les programmes de ses étudiants et collègues, de ceux qui l’ont lu et entendu, qui ont partagé ses analyses et ses interrogations de chercheur. De ses travaux, la théorie de la régulation ressort grandie, au sens d’élargie à de nouveaux terrains et concepts, confrontée à une exigence renouvelée de méthode. Sa curiosité était toujours en éveil et elle faisait voyager l’économie vers le Moyen Âge du temps des laboureurs ou vers la démarche narrative.

Nous savions sa capacité à s’engager, voire à s’enflammer, à vouloir être sur de nombreux fronts. Animer une dynamique et une équipe de recherche rémoise à partir du laboratoire REGARDS (un acronyme signifiant qui lui ressemblait tant) dont il assumait la direction (autre signifiant : il ne le mentionne ni sur la page de présentation du laboratoire ni sur sa page personnelle). Contribuer à et défendre une éthique de recherche engagée, impliquée, ancrée dans les sciences sociales, en discussion avec des sciences de la nature ou de l’environnement. Nous l’avons vu mobilisé face aux instruments du « nouveau » management public et contre eux, en prise avec la puissance des dispositifs d’évaluation réducteurs qu’il savait déconstruire mais qui l’ont profondément atteint, car ce sont des instruments de pouvoir.

Son énergie pouvait le faire paraître indestructible. L’annulation de certaines réunions était le rare signe par lequel il laissait voir l’usure ou la maladie à l’œuvre. Certes, il avait aussi confié le poids de ses engagements. Mais comment croire que l’irréparable se produirait si tôt ?

Un grand vide s’est ouvert, notre douleur est immense, nos pensées vont vers lui, sa famille et l’équipe de Reims qui nous est chère. C’était quelqu’un de bien, d’exceptionnellement bien.

Jean-Pierre Chanteau, Pascal Grouiez, Agnès Labrousse, Thomas Lamarche, Sandrine Michel, Julien Vercueil

Un aperçu de son activité de recherche :

>>  Sur le site du laboratoire REGARDS : ici

>> Sur Research Gate : ici

>>  Une belle mise en perspective publiée par Gilles Allaire dans le numéro 368 de Economie Rurale (juin 2019) : le texte ici

 

Discussion

3 réflexions sur “à notre ami et collègue Martino Nieddu

  1. Vous avez trouvé des mots très justes. J’ai eu la chance de travailler un peu avec Martino. J’ai été marqué par sa bienveillance et ses encouragements pour les jeunes chercheurs et doctorants, par sa très grande culture, son immense curiosité et son sens de l’humour. Je n’arrive pas à croire que je n’aurai plus le plaisir de le croiser et d’échanger avec lui au séminaire RST, au forum de la régulation… Mes pensées vont particulièrement vers ses proches et ses collègues de Reims.

    Publié par Pierre Labarthe | 16/06/2018, 20:12
  2. Martino, tu étais, comme les rédacteurs et rédactrices de l’hommage qui t’est rendu, quelqu’un d’exceptionnellement bien. Ta liberté d’esprit, ta grande culture et ton sens aigu de l’analyse de situations scientifiques et institutionnelles y sont pour beaucoup. Ton sens de l’humour et ton regard pétillant faisaient le reste. Ce n’est pas rien. Tu me manques déjà. Bonne route à toi, là où tu es.

    Publié par Thierry Kirat | 15/06/2018, 22:05

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